PARTENARIAT / Arvinis-Montreux Le salon suisse des vins se tiendra au Centre des congrès du 25 au 30 avril. A l'honneur, la Moldavie. Dont les vignes ont été en partie façonnées par des Vaudois de la Riviera, sur invitation du tsar Alexandre Ier. Depuis, le vin est devenu un secteur clé dans le développement du petit pays d'Europe de l'Est, comme l'explique Georghe Arpentin, directeur de son Office national de la vigne et du vin.

Entretien et photo: Amit Juillard
La Moldavie évoque plus souvent la pauvreté aux frontières de l'Union européenne que les grands crus. Mais l'imaginaire collectif est sélectif. Il oublie. Le petit Etat du croissant de la mer Noire est un des plus grands producteurs de vin au monde. Et son histoire viticole est cinq fois millénaire. Après la perte du marché russe, le vignoble moldave a fait sa révolution. L'œuvre en partie de Georghe Arpentin, qui aime rappeler que tout avait commencé avec des vignerons veveysans. Tour d'horizon avec le promoteur en chef des nectars de son pays.
Vous soutenez que la Suisse et la Moldavie sont unies à jamais dans le vin. Pourquoi ?
> Les liaisons entre la Riviera vaudoise et la Moldavie sont réelles. Les Suisses ont laissé une trace indélébile dans nos vignes. Au début du 19e siècle, le tsar Alexandre Ier a envie de créer son propre vignoble. Il en a marre des vins français ou italiens, pas toujours à son goût. Il choisit des Vaudois pour mettre son plan sur pied. Pour lui, les Suisses sont plus compétents que leurs voisins. Résultat, une trentaine de vignerons partent de Vevey en 1822. Peut-être même qu'ils emportent dans leurs bagages certains cépages, comme le Chasselas et la Malvoisie, qui poussent aujourd'hui encore en Moldavie! Ils créent par la suite la seule école viti-vinicole de la Russie tsariste.
Depuis cette décision impériale, la vigne a gagné en importance dans la région. Que représente-t-elle aujourd'hui pour l'économie moldave ?
> La Moldavie compte seulement 3,5 millions d'habitants. Mais elle est l'un des vingt plus grands producteurs de vin au monde. Aucun autre pays n'a autant de vignes au kilomètre carré. Le vin, c'est 250'000 emplois, 3% du PIB et 7,5% des exportations totales. Ces chiffres étaient encore plus importants avant le premier embargo russe en 2006. A ce moment-là, 90% du marché disparaît. Or la vigne est un secteur stratégique pour le développement économique du pays. Elle est créatrice de places de travail dans le milieu rural. Sans elle, que ferait les villageois? Le rôle de la viticulture est aussi important socialement.
Comment la Moldavie s'est-elle relevée des effets de cet embargo russe ?
> Grâce à une nouvelle stratégie, le regard tourné vers l'Ouest et la Chine. Nous avons modernisé le secteur. Les produits moldaves n'étaient pas adaptés aux nouveaux marchés visés. Héritage de la période soviétique, durant laquelle il fallait produire beaucoup et vendre à bas prix. Ces dix dernières années, 600 millions d'euros ont été injectés par le public et le privé dans le vin. Aujourd'hui, un tiers du vignoble a été renouvelé. Les crus sont plus qualitatifs. Nous avons également fait renaître des cépages autochtones qui avaient presque disparu à cause de l'Union soviétique. A l'époque, celle-ci craignait une unification avec la Roumanie. Les raisins locaux, communs aux deux pays, avaient été éradiqués de Moldavie. Pour éviter que les citoyens des deux nations se sentent liés. Aujourd'hui, 10% du vignoble est indigène.
Invasions musulmanes, communisme, embargos… Comment expliquer la survie du vignoble moldave à travers les époques?
L’histoire du vin moldave est ancestrale. C’est la position du pays dans le croissant fertile de la mer Noire qui est déterminant pour son histoire viticole. C’est dans cette région que les premiers vins sortent de terre. 3000 ans av. J.-C., la viticulture existait déjà. Un lien très fort se développe par la suite avec le christianisme. La tradition perdure dans les monastères pendant les invasions musulmanes.