Finances La grogne monte au sein du Conseil communal. La faute au déficit de 9 millions annoncé. L'idée de renvoyer l'Exécutif à sa copie n'est plus farfelue, surtout à droite. La gauche attend des réponses. Municipal des finances, Etienne Rivier défend un exercice de transition. Le vrai orage, c'est pour 2020, au vu des investissements.

Amit Juillard
La soirée s'annonce calme, plus politique. Ce 15 novembre, pas de demande de suspension de municipal à voter. Mais le spectre du déficit de 9 millions annoncé pour 2019 plane. Peu avant le Conseil communal, entre deux bouffées de cigarette, l'élu UDC Bastien Schobinger lâche le mot: non-entrée en matière. En clair, renvoyer la Municipalité à ses études financières sans discuter du budget 2019. Dès le lendemain, plusieurs téléphones confirment que, lors de ses deux premières séances, la Commission des finances (Cofi) a même soumis l'idée au vote. Mais pour trois voix, elle a décidé de poursuivre le travail. «C'est la majorité de gauche qui a décidé d'entrer en matière», confie Werner Riesen, président UDC de la Cofi et ses treize membres.
Prendre le taureau par les cornes
«La question se reposera lors de la prochaine séance (réd: mardi 20 novembre), bouillonne Patrick Bertschy, commissaire PLR, parce que les explications sur les treize postes de travail supplémentaires, sur la possibilité de faire des économies et de maîtriser les charges n'ont pas été satisfaisantes. Il y a les charges liées (réd: sur lesquelles la Commune n'a pas d'emprise, à hauteur de 5,4 millions), c'est vrai, analyse-t-il, mais chaque année le personnel augmente. Tout part d'en-haut et je me pose la question: vu les tensions, y a-t-il vraiment eu des discussions au sein de la Municipalité?»
Le PDC rejoint ses alliés de droite. «La Municipalité doit prendre le taureau par les cornes, surtout que nous avons augmenté les impôts de trois points l'an dernier et que les recettes sont en hausse de 10 millions», avertit Jean-Marc Roduit, président de section.
Comme les autres groupes, les centristes de Vevey Libre n'ont pas encore formellement abordé le sujet. Prudent, leur tout nouveau chef de file, Pascal Molliat, se lance au bout du fil: «Une non-entrée en matière n'est pas une idée absurde. Mais ça repousserait le problème: quel serait par exemple l'impact sur la Fête des Vignerons puisqu'il y a un certain nombre de préavis qui la concernent?»
Inquiétude socialiste
A gauche, Les Verts temporisent. «J'attends que la Municipalité justifie ses choix, appuie Antoine Stübi, membre de la Cofi. Mais hormis pour le coup de gueule, et encore, aucun élément ne me montre que refuser ce budget serait la meilleure solution.» Chez les socialistes, c'est l'inquiétude. «Nous avons l'impression que ce budget a été fait à la va-vite, lâche Eric Oguey, leur chef de groupe. Nos camarades de la Cofi sont assez dubitatifs. Mais de manière générale, nous sommes pour entrer en matière. Et peut-être que si nous avions accepté d'augmenter les impôts de 6 points l'an dernier, nous n'en serions pas là.»
Sans budget et sans Municipalité?
«Renvoyer le budget serait totalement stupide, il n'y a pas de recette miracle, assène Alain Gonthier (Décroissance-alternatives), membre de la Cofi. Nous n'avons pas d'impact sur deux tiers des dépenses. Il faut laisser passer l'orage.» Mais la menace de suspension planant sur les municipaux Vevey Libre Jérôme Christen et Michel Agnant (lire encadré) pourrait rebattre les cartes. «Si le Conseil d'Etat décide de les suspendre, comment les membres restant défendront le projet? Nous pourrions arriver en janvier sans budget, mais aussi sans Municipalité.»
Le municipal PLR des finances Etienne Rivier tente de réfréner les velléités de certains élus: «Ne pas avoir de budget ne résoudrait rien. D'autant que nous n'aurons pas à emprunter pour le ménage courant. C'est un exercice de transition avec des investissements prévus au-dessous de notre moyenne de 5 ou 6 millions par an, puisque c'est l'année de la Fête des Vignerons. C'est en 2020 que le problème se posera.» Pour mémoire, le collège à construire coûtera 60 à 65 millions.
Jouer les arbitres
Reste que certains conseillers doutent que ce préavis est le fruit d'un consensus dans un Exécutif affaibli par les guerres intestines. «Il est faux de dire que nous n'en avons pas parlé, répond Etienne Rivier. Mais il est important que chacun de nous puisse défendre son pré carré devant la Cofi. Cela a permis d'apaiser les municipaux. Il n'aurait pas été bon que la Municipalité soit castratrice face aux différents services.» En clair, à la Cofi et au Conseil communal de jouer les arbitres dans un match opposant les quatre membres de la Municipalité.
Refuser d'entrer en matière, et après? Le Service cantonal des communes et du logement rappelle qu'une commission n'a pas de pouvoir décisionnel. Traduction, seul le Conseil communal peut renvoyer le budget à la Municipalité. Auquel cas, en attendant une nouvelle proposition, le budget 2018 servirait de base pour régler les affaires courantes, sans aucun investissement.